
1914-1949
Le temps des doutes
Le déclenchement de la première guerre mondiale marque la fin d’une époque et l’avènement d’un nouvel ordre mondial. Les multinationales doivent soudainement faire face à la montée en puissance d’antagonismes nationaux. Le visage de l’industrie chimique mondiale se bouleverse complètement. Solvay doit s’adapter en défendant son leadership par le biais d’alliances et par son excellence technique.
Au secours d'une population menacée de famine
Durant la première guerre mondiale, la population belge souffre d’une pénurie de biens de première nécessité et de la mise à l’arrêt de l’appareil industriel. Un Conseil National de Secours et d’Alimentation (CNSA) est mis en place par des politiciens et des industriels dès 1914. Ernest Solvay, qui fait un don d’un million de francs, en prend la présidence. Cette organisation privée agit comme une sorte de “deuxième gouvernement belge” pendant le conflit. D’autres dirigeants de Solvay y jouent un rôle, notamment Emmanuel Janssen et Louis Solvay.
Survivre à deux guerres mondiales
Solvay est littéralement piégé par le déclenchement de la première guerre mondiale. Ses installations belges sont réquisitionnées par l’occupant allemand. Le groupe possède des usines dans les principaux pays belligérants. Pire, ses filiales étrangères entrent en confrontation. Pendant la seconde guerre mondiale, Solvay voit la propriété de ses sites menacée tant dans une Europe occupée par les nazis qu’en zone alliée. Ernest-John Solvay et son beau-frère René Boël ont respectivement pour mission de maintenir l’autonomie de l’entreprise dans ces deux zones.
Perte d'influence aux Etats-Unis
A partir de la première guerre mondiale, les États-Unis commencent à imposer leur leadership politique et économique. Pour Solvay, cette région du monde est source d’inquiétudes. Solvay possède des participations dans deux sociétés: la Solvay Process Co et la Semet-Solvay Co, qui fusionnent en 1920 avec trois autres sociétés chimiques pour former l’Allied Chemical & Dye Corp. Bien que Solvay demeure le plus gros actionnaire étranger de ce puissant conglomérat, son influence aux USA va décroissant. Une autre source de préoccupation est le krach boursier de 1929. Même si l’activité industrielle de Solvay n’est pas dramatiquement affectée, la banque privée d’investissement du Groupe - la “Mutuelle Solvay” - enregistre de lourdes pertes et doit être restructurée.
Gérants à Borth, 1926
En 1922, Ernest Solvay décède à l’âge de 83 ans. Après sa disparition, il est difficile d’identifier un leader naturel possédant sa stature. La gestion du groupe devient un exercice plus que jamais collégial. Chaque membre actif au sein de la “Gérance” est personnellement responsable d’une liste de pays et de fonctions. Sur cette photo de 1926, les dirigeants de Solvay visitent les mines de sel de Borth, en Allemagne. A partir de la gauche: Louis Solvay (2e); Emmanuel Janssen (5e) et Ernest-John Solvay (7e).
Anvers, port de mer et cluster chimique.
Solvay avait établi un département maritime à Anvers dès 1885, et racheté une fabrique de cristaux de soude en 1938. C'est surtout à partir des années 1960 que Solvay prend part à l'essor du cluster chimique du port d'Anvers, répondant ainsi la maritimisation de l'industrie. C'est en 1960 que sont inaugurés de vastes entrepôts pour le stockage et l'expédition, et en 1970 que démarre l'électrolyse de Lillo. Suivront les polyoléfines au début des années 1990.
Conseil de physique Solvay, 1927
Le 5e Conseil international de Physique Solvay sur les électrons et les photons (1927) est probablement l’un des plus importants rassemblement de physiciens de l’histoire. C’est à cette occasion que la nouvelle théorie de la physique quantique prend son envol. La discussion intense entre Albert Einstein et Niels Bohr est restée célèbre. 17 participants sur les 29 ont obtenu ou obtiendront le prix Nobel.
Dans les griffes des régimes communistes
Par deux fois dans son histoire, Solvay subit la loi de régimes communistes. La première, en 1917, lorsque la révolution bolchévique débouche sur la confiscation des usines et des mines russes. La seconde, après la seconde guerre mondiale, lorsqu’une quinzaine de sites industriels sont nationalisés de force à l’Est du Rideau de fer (en Roumanie, Hongrie, Allemagne de l’Est, Yougoslavie, Tchécoslovaquie et en Pologne. Malgré de nombreuses tentatives, Solvay n’obtient que de maigres réparations dans la plupart des cas.
Une descente dans le maelstrmm de l'histoire européenne
Sous le régime hitlérien, la direction supérieure des filiales de Solvay est germanisée, puis soumise au système de Verwaltung (séquestre). Cela prive Solvay de la supervision effective de ses usines. Toutefois, les administrateurs tout-puissants qui prennent les rênes de la filiale font preuve de loyauté envers Solvay et lui permettent de résister aux plans de dépeçage imaginés par ses concurrents. L’usine de Bernburg, ici peinte en 1938 par Karl Blossfeld, a vu défiler des pages majeures de l’histoire européenne. Fondée sous Bismarck, elle est mise sous séquestre par les nazis, puis saisie par les communistes, partiellement démantelée par les Russes, récupérée par Solvay après la chute du mur de Berlin et restaurée pour faire face à la mondialisation.